La route de la transformation a ses moments d’avancées, mais il y a beaucoup de virages et de retournements tout au long du chemin. C’est la raison pour laquelle nous devons nous nourrir nous-mêmes ainsi que les amitiés que nous partageons.
Peinture par les artistes de l’atelier Le Pot-en-Ciel de L’Arche Montérégie
Comme nous avons vu dans la première partie de notre présentation à la conférence Deeper Communion (Une communion plus profonde), le chemin de l’amitié et de l’appartenance à la communauté – avec toutes nos différences – est le fondement de la croissance et de la découverte, en vue d’une profonde transformation personnelle. La route de la transformation a ses moments d’avancées, mais il y a beaucoup de virages et de retournements tout au long du chemin. C’est la raison pour laquelle nous devons nous nourrir nous-mêmes ainsi que les amitiés que nous partageons.
Le sacrement de la vie quotidienne
John a expliqué : « La table est un espace essentiel pour construire une communauté pleine de vie. C’est l’espace où nous partageons nos journées et nos vies, nos rires et nos pleurs ainsi que de la nourriture et des boissons. C’est un espace d’accueil pour les visiteurs et les nouveaux amis ainsi que pour dire au revoir à ceux qui passent à autre chose. C’est un espace pour célébrer, non seulement les vacances et les événements spéciaux, mais aussi le pouvoir vivifiant de nos journées ordinaires, ces milliers de moments de prise de risque et de développement de la confiance entre nous. »
Greg a nommé un important rituel de la table : « Pour les anniversaires et les fêtes, nous passons la chandelle. Nous célébrons chaque personne pour qui elle est. Nous exprimons ce que nous aimons à propos de la personne. Cela t’aide à croire en toi-même. » John a ajouté : « Henri Nouwen nous a rappelé que l’origine latine du mot grâce, bénédiction, signifie l’expression d’un compliment à une personne, un mot qui la bénit, afin de guérir et de grandir. »
Avec l’appui et l’affirmation des autres, Greg a découvert qu’il a un don pour accompagner les personnes dans l’épreuve. Il a aidé Jane Powell à créer un groupe de soutien aux personnes endeuillées et à partager son apprentissage avec d’autres dans des discussions sur le site internet Déficience et Vieillissement. C’est un don qui a jailli, suite à la perte qu’il a vécue étant enfant. Une autre capacité qu’il a découvert en tant qu’enfant a été son don pour l’art. « Je peux plus facilement exprimer ce que je veux dire à travers mes dessins, qu’avec des mots », a-t-il dit. Sur le site internet Déficience et Vieillissement, il y a une peinture qui regroupe ces deux dons, comme Greg l’a expliqué, une peinture qu’il a créée à propos du deuil.
Élargir la table
John aussi a découvert ses dons pour voir l’extraordinaire dans les choses ordinaires de la vie quotidienne et utiliser les mots pour écrire à ce propos à travers ses propres luttes. Il a réfléchi à la nécessité de rendre le cercle plus inclusif à notre table. « Greg et moi sommes différents, mais nous partageons nos vies avec des personnes qui ont des handicaps plus importants comme Tilly, qui vit avec Greg et mon ami Michael.
Michael ne peut pas parler avec des mots, néanmoins il communique ce qui est important pour lui. Il exprime de la gratitude d’avoir été accueilli après avoir été en institution, et pour sa mère qui s’est battue pour lui donner un foyer où il a grandi de façon plus sécuritaire et plus paisible. Il a une fabuleuse capacité d’amitié et reconnaît ce dont les gens ont besoin, avant même qu’ils ne le demandent. Quand je suis stressé, il m’aide à revenir sur terre.
Michael s’assure aussi que l’on garde les traditions de la table. Il apporte une chandelle pour la prière et quand nous passons la chandelle pour des occasions spéciales, il prend toujours son tour pour dire son compliment à la personne. Comme Greg, Mike sait ce que c’est que d’être laissé de côté; il veille à ce que nous n’oublions jamais de nourrir la communauté autour de la table.
La vérité est que notre table à L’Arche peut être ennuyante; nous pouvons simplement passer en revue des motions. Il faut s’engager à célébrer l’ordinaire, sinon nous pouvons manquer son pouvoir. Nos tables peuvent être chaotiques ou remplies de tensions. Ce n’est pas toujours facile d’être ensemble avec toutes nos différences. Pour la vie communautaire, le pardon est tout aussi important que la célébration.
Avec de l’attention, une vérité plus profonde est révélée. De façon que chaque personne soit accueillie à sa juste place à la table, nous devons arrêter d’essayer de changer les personnes mais plutôt changer la table. Nous voulons toujours respecter chacun et faire de la table un lieu sécuritaire pour tous. Pourtant, lorsque nous avons le bon équilibre entre les besoins du groupe et notre désir que chaque personne rayonne singulièrement, la table change. Elle est transformée. »
Le voyage jusqu’à la liberté
Ce cheminement dans l’amitié et l’appartenance nous emmène dans un état plus profond de liberté pour nous accepter nous-même ainsi que les autres, comme nous sommes, avec toutes nos forces et toutes nos limitations, pour accepter la vie comme elle est avec toutes ses joies et tous ses chagrins. Greg dit : « La liberté, c’est lorsque tu peux parler de toi-même à quelqu’un, sans avoir peur d’être toi – qui es parfois la personne la plus difficile à être. »
Au cours des dernières années, Greg a réfléchi et échangé avec John à propos de sa vision de la liberté – et il a commencé à vivre plus librement, pour être totalement lui-même. Voici une image qu’il a utilisé pour expliquer ce qu’il pense :
« J’ai dessiné l’image d’un papillon et d’un arbre pour parler de la Liberté.
- Nous devons être libre pour être le papillon. Il est petit, parfois fragile. Il peut voler autour. Il est magnifique.
- Nous devons être libre pour être l’arbre. Il est grand et fort. Il est imposant. Il est là. Il ne peut pas bouger car il a des racines. Il est aussi magnifique. »
John a demandé : « Es-tu en train de dire que quand nous sommes libres, nous pouvons être à la fois le papillon et l’arbre ? » Greg a répondu : « Ils ont besoin l’un de l’autre. Nous avons besoin l’un de l’autre. Nous ne pouvons pas le faire tout seul. »
John a demandé : « Es-tu en train de dire que parfois nous sommes le papillon et avons besoin que les autres soient l’arbre, et que parfois, nous sommes l’arbre et avons besoin que les autres soient le papillon ? » Greg a dit : « Nous ne pouvons pas toujours être fort, mais parfois nous pouvons. »
John a dit : « Quand je repense à toutes ces années passées, quand tu étais là pour ma famille, quand ma sœur est décédée, j’ai toujours pensé que tu étais comme le papillon avec une petite et magnifique présence, parce que c’était ce que tu pouvais faire et ce dont nous avions besoin. Mais aujourd’hui, je pense aussi que tu étais comme l’arbre, parce que cela demande du courage de s’asseoir avec mon père; tu étais fort pour nous, quand nous étions faibles et dans la douleur. » Greg a dit : « Je ne savais pas que j’avais ce pouvoir en moi. »
Une communion plus profonde
Ce voyage vers la liberté intérieure consiste à apprendre et à grandir ensemble, à découvrir nos dons et à les partager avec d’autres personnes. Pourtant, la croissance de nos capacités n’est pas une voie vers l’indépendance. Parce que nous sommes humains, nous avons toujours besoin les uns des autres – nous sommes faits les uns pour les autres. La liberté intérieure nous permet de voir que nos limitations ne sont pas une barrière à devenir pleinement vivants, mais la voie vers une unité plus grande et une communion plus profonde avec chacun et avec Dieu. Greg nous a rappelé : « Nous venons du même Dieu qui nous a donné notre vie. »