Un modèle novateur de vie en commun à Comox Valley

Des options de logement novatrices qui favorisent la liberté de choix, l’autonomie et l’inclusion transforment l’offre des mesures de soutien pour les personnes ayant un handicap au Canada. Les suites Vanier de L’Arche Comox Valley constituent un nouveau modèle de vie en commun qui renouvelle la vision de L’Arche.

Rencontrer les habitants des suites Vanier est une expérience enrichissante. De toute évidence, ces membres de L’Arche Comox Valley, en Colombie-Britannique, ont du plaisir à passer du temps ensemble, tout comme des collègues au sein d’une équipe, d’une école ou d’un lieu de travail. Ce qui les rend remarquables, c’est que ce sont des voisins. Leur ami Larry souligne : « En 18 mois à peine, les gens qui vivent ici ont appris à se faire confiance et à s’appuyer les uns sur les autres. Je connais des gens qui vivent dans des immeubles à appartements et qui ne connaissent même pas le nom de leurs voisins. »

Les suites Vanier représentent une façon nouvelle de vivre la vision de L’Arche, qui répond aux rêves et aux objectifs de nombreuses personnes ayant une déficience intellectuelle aujourd’hui : un ensemble d’appartements d’une ou deux chambres, avec un espace commun et des repas et rassemblements hebdomadaires. Cette unité d’habitations est rattachée au centre I Belong de la communauté de L’Arche Comox Valley. Chaque personne y est aidée à atteindre ses objectifs de vie, à maximiser son indépendance et son inclusion, et à bâtir un sentiment d’appartenance, de soutien mutuel et de partage des responsabilités.

Écouter l’expérience vécue

Qui sont ces gens qui vivent ensemble dans les suites Vanier ? Et qu’ont-ils à dire de l’endroit où ils vivent ? Allons à leur rencontre :

  • Nick est un homme aîné rempli d’énergie. « C’est un bâtiment très beau. Je vais m’assurer de le garder comme ça. J’en prends soin. » On peut entendre dans sa voix toute la fierté qu’il a de son chez-soi. « J’ai quelques plantes superbes dont je m’occupe dans mon appartement. J’ai un bel arbre de Jade. J’ai une autre plante super, une sorte de fougère… Je m’entends bien avec tous les autres habitants de l’immeuble. »
  • Paul est un homme aîné dont la présence est plus calme. « C’est une vraie joie de vivre ici avec Randy. (Ils partagent un appartement de deux chambres). J’aime aider les gens si je peux, être une sorte de mentor. » Leur relation fonctionne ainsi dans les deux sens. « Je ne suis pas bon en mécanique ou avec les ordinateurs. Randy m’aide avec ça. » Il valorise « l’indépendance qu’on a. J’ai vécu avec ma sœur pendant 30 ans. »
  • Judith (Judy) est une femme aînée pleine d’enthousiasme. Elle a vécu dans d’autres appartements, mais trouve celui-ci « plus calme que celui où je vivais auparavant ». Elle fait du scrapbooking et joue du piano – son style musical préféré est le country et le western. « Je me sens libre si je veux aller quelque part. Je vais visiter ma mère aussi. » La mère de Judy participe souvent au Cercle des aînés de la communauté de L’Arche, organisé les lundis, avec Nick, Paul et Larry.
  • Kevin est un jeune homme qui pratique de nombreux sports. Il travaille au Mont Washington pendant la saison de ski. C’est un globe-trotter et il aime également le karaoké, la danse et jouer de la guitare. Ce qu’il aime de son logement, c’est « les gens » et le fait d’être « si proche de la ville que je peux me rendre partout à pied : banque, café, restaurants, épiceries… » Il sourit chaleureusement. « Comment ne pas s’y plaire ? »
  • Randy a connu beaucoup de moments difficiles dans sa vie – il a essayé de vivre en foyer de groupe, mais on ne le laissait prendre aucune responsabilité. Quand il vivait avec sa mère, il fréquentait des gens ayant de mauvaises influences. Il est reconnaissant d’être accueilli dans les suites Vanier. « Sinon, je ne sais pas où je serais maintenant. » Il s’épanouit là où il est. Il adore saluer les gens du centre communautaire, préparer des biscuits, et faire des hamburgers ou des pâtes chez lui pour ses amis.
  • Yulia est l’assistante qui soutient chacun d’eux et les aide à travailler ensemble pour créer communauté. Elle a précédemment vécu dans des foyers de différentes communautés de L’Arche. C’est aussi pour elle la première fois qu’elle vit dans son propre appartement et qu’elle travaille à créer une communauté intentionnelle, alors elle apprend en même temps que les autres.
  • Robert n’a pas participé à l’entrevue car il était au travail. On le décrit comme un homme centré sur sa carrière et sur la réalisation de ses objectifs de vie.
  • Larry ne vit pas dans les suites Vanier, mais c’est un membre engagé de longue date à L’Arche qui apporte beaucoup d’expérience de la vie en communauté au groupe. « Nous servons de modèle les uns pour les autres. Je trouve que les gens s’appuient juste assez sur moi. » Il peut également être « un bon ami lorsque quelqu’un se sent un peu seul ».

Apprendre de cette expérience vécue

Passant du coq à l’âne, Randy déclare : « On a eu un repas-partage. » Et Paul d’ajouter : « C’est moi qui ai préparé le poulet au beurre. Ils ont adoré. J’ai à peine pu en manger, mais ce n’est pas grave. » Le repas, qui rassemblait toute la communauté de L’Arche, a eu lieu au centre I Belong. Cela témoigne du fait que ces membres relativement nouveaux ressentent un profond sentiment d’appartenance à L’Arche et sont en mesure d’y offrir leurs dons et leurs capacités. Plutôt que de les isoler, cette expérience d’appartenance donne à chacun plus de confiance pour contribuer à la collectivité, dans son lieu de travail, sa famille et d’autres espaces communautaires où il ou elle s’implique.

L’expérience de l’appartenance s’est construite avec le temps. Chaque semaine, deux moments communautaires sont organisés. Le mercredi, c’est une réunion de foyer suivie d’un repas et d’un moment de prière. Parfois, ils font des invitations, par exemple les membres du foyer Jubilee, un foyer traditionnel de L’Arche. Ils prennent à tour de rôle les responsabilités de préparer l’espace, le repas, et de nettoyer après la rencontre. Le vendredi, ils organisent une activité sociale choisie ensemble; parmi leurs favorites, on trouve les soirées cinéma, jouer aux quilles ou d’autres sorties locales.

Bien que certains membres du groupe aient déjà fait connaissance dans d’autres circonstances, ils n’étaient pas des amis proches. Randy avait besoin de temps pour faire confiance à sa « nouvelle gang », car il avait été brûlé avant. Larry se souvient : « Quand Kevin est arrivé dans notre communauté, il ne disait pas plus de trois ou quatre mots, un mot à la fois. Maintenant, impossible de le faire taire ! » La confiance et l’ouverture se bâtissent dans les nombreux moments informels, et aussi formels où chacun raconte comme vont les choses.

Il est clair qu’être responsable signifie beaucoup pour chacun. Nick est fier de « ce qu’on peut faire par nous-mêmes. Je sais comment faire ma propre lessive. Mon appartement est propre, jamais sale. » Randy a pris la responsabilité de son appartement en apprenant de ses compagnons. Kevin a encore besoin que sa mère lui rappelle de remettre de l’ordre… Yulia est ravie que le groupe s’occupe de tout lorsqu’elle s’absente. Paul dit : « C’est comme une famille, une famille élargie. On a beaucoup de fêtes. Après, on nettoie tout. Quand on habite ici dans les suites Vanier, c’est à nous de nous en occuper. Si on ne le fait pas, personne ne le fera. »

Évidemment, ce n’est pas toujours facile. Paul dit : « On se sent tous un peu seuls parfois, mais c’est correct. » Randy aimerait voir « plus de filles » car il n’y a aucune femme de son âge; il plaide pour la construction de suites Vanier supplémentaires parce qu’il connaît des gens en ville qui ont besoin d’un bon endroit pour vivre. Larry parle de Graham, un membre fondateur des suites Vanier, qui a dû être transféré aux soins de longue durée. Larry et d’autres visitent Graham et l’amènent à des événements lorsqu’il en a envie. « C’est difficile de laisser aller. On apprend qu’on est aussi importants les uns pour les autres que dans une famille. »

Bâtir une culture d’apprentissage

Ce qui est vécu dans les suites Vanier n’est pas le fruit d’un heureux hasard. Ce projet est le résultat d’une vision et de pratiques ancrées dans 50 ans de vie communautaire à L’Arche. Il s’appuie également sur les connaissances des groupes de vie autonome assistée de L’Arche, sur des agences de services sociaux locales et des options de logement innovantes développées par des organismes partenaires. Les entreprises à vocation sociale (telles que de nouvelles modalités de logement), qui développent des options innovantes et durables tout en renouvelant la vision de L’Arche, sont essentielles pour notre avenir.

Discerner ce qui est essentiel à L’Arche – et ce qui ne l’est pas – est clé pour l’innovation et le développement. Dans ce projet, des éléments clés tels que l’accueil, les relations mutuelles, les pratiques centrées sur la personne, les repas en commun, le partage personnel, la prière, les célébrations, le partage des prises de décisions et des responsabilités, la contribution des dons et les liens avec la collectivité sont tous mis de l’avant. Parmi les éléments nouveaux, on retrouve : davantage d’espace personnel et de vie privée, une autonomie et une responsabilité personnelle accrues et un modèle d’affaires nouveau.

La première édition de l’atelier d’apprentissage interrégional de L’Arche Canada a réuni à Comox Valley des responsables de communauté de chaque région et la coordonnatrice du Développement de L’Arche Canada, pour apprendre de l’expérience des suites Vanier et du centre I Belong. Des outils et ressources élaborés à partir d’initiatives à L’Arche au Canada et en dehors sont partagés pour aider les communautés à chaque étape du développement de leurs projets. Nous espérons que nos amis des suites Vanier transmettront leurs enseignements et inciteront d’autres à suivre leur exemple dans les années à venir.