Les entreprises sociales axées sur les services alimentaires et d’hospitalité constituent des moyens dynamiques et novateurs de promouvoir l’appartenance et l’inclusion. Ouvert il y a plus de 6 ans, L’Arche Tova Café est un pionnier non seulement à Winnipeg, mais aussi au sein de L’Arche au Canada.
Photo au dessus: Hazel et Kathy
J’étais venu ici avec une mission bien précise. Je n’étais allé à Winnipeg qu’en janvier, par des températures dans les -40 degrés. Les habitants du Manitoba sont des gens robustes et déterminés. La température en mai était plus clémente, mais je n’étais pas à Winnipeg pour flâner dehors, j’étais venu pour y manger. Pendant des années, j’avais entendu dire que L’Arche Tova Café était un endroit spécial qui servait d’excellents repas. Les gens disaient : « tu dois y aller et voir par toi-même », mais je demeurais sceptique. Ce café était-il vraiment si spécial ? J’ai finalement cédé et décidé d’aller y jeter un œil.
Diverses petites entreprises se concentrent sur Regent Street à Transcona et lui confèrent une atmosphère dynamique sans être « tendance ». Après une visite au bureau de L’Arche au bout de la rue, Jim Lapp, responsable de la communauté de L’Arche Winnipeg, m’invite à dîner au café. C’est un bâtiment commercial tout simple, deux étages avec un revêtement peint en vert, situé au milieu d’une enfilade de magasins. Jim m’explique que ce bâtiment a été acheté grâce à une combinaison de subventions et de dons généreux, éliminant ainsi du budget le fardeau du loyer.
Dès le premier coup d’œil, le décor intérieur me séduit. Les murs sont peints en vert clair, d’un ton à la fois vif et apaisant, et on peut y voir une exposition de peintures d’artistes locaux. Derrière trois rangées de tables se trouve le comptoir de boulangerie, à l’arrière duquel une large fenêtre laisse voir l’intérieur de la cuisine. Comme dans mes cafés préférés, l’atmosphère est d’une simplicité chaleureuse et accueillante.
Jim salue les habitués et s’assure que les quelques nouveaux clients se sentent à l’aise. Pour un Torontois fraîchement arrivé, une telle convivialité est frappante. Le café est constamment animé. Je commande un BLT sur pain frais à l’aneth et pomme de terre cuit sur place. Il est vraiment bon – tout simplement délicieux. Ils ont trouvé le juste milieu entre qualité et prix. Il n’y a pas cette atmosphère « spéciale » que l’on ressent dans ces cafés bien visibles sur Facebook, où l’ensemble du personnel est trisomique. Je n’aperçois que Nolan, qui est autiste et travaille comme cuisinier. L’Arche Tova Café a quelque chose de spécial, mais je n’arrive pas encore à mettre le doigt dessus.
Photo: Stacey et Jim
Le lendemain, je me présente pour déjeuner. Les gens de L’Arche sont absents, mais le personnel me salue chaleureusement. Je savoure mon café et le déjeuner « Col bleu », l’une de leurs spécialités. Je mentionne l’accueil chaleureux à la jeune serveuse, et elle me raconte une histoire : « Une femme demande à son petit-fils où il voudrait aller dîner, et celui-ci répond : ‘À l’endroit où tout le monde connaît ton nom.’ Je crois que c’est ce qui rend le Tova Café spécial, ça et les brioches à la cannelle. »
À mon retour pour le dîner, je suis accueilli par Stacey, une jeune femme trisomique qui vit avec sa famille. Elle prend son travail au sérieux et m’annonce fièrement avoir remporté un prix en reconnaissance de ses efforts. Je commande des quesadillas au poulet et me félicite de mon choix. Je partage la table avec Hazel et Kathy, qui travaillent bénévolement au café une fois par semaine et s’assurent que les clients se sentent comme chez eux. Ces femmes ont tissé des liens bien plus profonds que le handicap physique commun qu’elles soulignent. Elles me racontent des histoires tirées de décennies de joies et de chagrins vécus ensemble, l’une pour l’autre.
Je commence à percevoir ce qui fait de ce café ordinaire mais agréable un endroit exceptionnel – mais j’ai encore une question. Je demande à Jim : « Comment L’Arche Tova Café montre-t-il le don de l’accueil lorsqu’aucun membre de L’Arche n’est présent pour accueillir les gens ? » Jim répond : « Depuis des années, plusieurs personnes ayant une déficience intellectuelle, Albert, Hazel, Dorothy, Stacey, Clive et Ross, se succèdent pour accueillir les gens du quartier. Leur esprit d’accueil fait partie intégrante du café, qu’ils soient présents ou non. »
Au troisième jour, je commence à me sentir comme un habitué. Je commande le wrap végétarien pour déjeuner. On m’invite à me joindre au Northeast Business Exchange. Tous les jeudis matin, des dirigeants d’affaires et communautaires se rencontrent au Tova Café pour faire du réseautage. Ce groupe accueille régulièrement des conférenciers invités, dont des députés provinciaux et fédéraux. Un propriétaire d’entreprise me parle d’un membre de L’Arche ayant une déficience intellectuelle, avec lequel il est devenu ami au cours des années. Il s’inquiète du déclin de l’état de santé de son ami, qui est atteint de démence. Sa préoccupation me touche profondément.
Ma visite touche à sa fin et je suis triste de ne pouvoir assister au concert mensuel organisé au Tova Café ce soir-là. Le spectacle affiche complet, mais ils m’auraient casé quelque part. Et je ne serai pas là samedi pour voir Ross, le « préposé à l’accueil » par excellence, en pleine action. J’aimerais beaucoup assister au spectacle annuel « Art from the Heart » de la communauté. J’ai très envie de faire partie de la communauté créée par ce café.
Comme tout lieu de rencontre populaire, L’Arche Tova Café est un espace véritablement communautaire, une entreprise sociale qui accueille voisins et visiteurs et leur offre de la nourriture de qualité à prix honnêtes. Ce qui en fait un endroit extraordinaire, c’est qu’il s’agit également d’un véritable lieu d’inclusion, où les personnes ayant une déficience intellectuelle font partie de la famille, où leurs dons sont accueillis et où elles apportent une touche spéciale. Un lieu où chacun est le bienvenu.